Mon travail s'inscrit dans une esthétique du contact : toucher, sentir, frotter, essuyer, appuyer...Chaque étape de la gravure est un échange entre les matières ; la peau-le cuivre, la peau-l 'encre, la peau-l'encre-la tarlatane...Mon corps devient un espace de rencontre avec la matière. Dans ce rapport charnel, il ne s'agit pas seulement de produire une image, mais d'interroger ce que signifie laisser une empreinte aujourd'hui. La gravure est pour moi plus qu'un simple moyen d'impression : c'est une expérience incarnée qui révèle une dimension plus profonde : celle de traces, de passages, de mémoires inscrites à la fois dans la matière et dans mon propre vécu. Il y a quelques chose de presque performatif comme si chaque gravure était le témoin d'un acte, d'une rencontre entre mon corps et la surface gravée.
Crédit photo : Eric Bénard
Lorsque le rouleau entre en contact avec la plaque. il ne s'agit pas d'une simple dépôt d'encre, mais d'une véritable rencontre entre deux matières. Le caoutchouc du rouleau et le métal du cuivre s'ajustent l'un à l'autre, se reconnaissent et se répondent. La main, en guidant le mouvement, sent cette résistance légère , cette adhérence subtile où la surface du cuivre attire et retient le film d'encre.
Le bruit feutré du rouleau sur le cuivre, la tension dans la main qui cherche le juste poids, la bonne vitesse. C'est un dialogue de pressions, de glissements. La plaque n'est pas passive, elle imprime à son tour sa présence sur le rouleau. Sur le caoutchouc, on voit dessiner en négatif, la mémoire du sillon : le motif se révèle fantomatique, éphémère. les creux de la plaque se transcrivent en bosse sur le rouleau, comme si la matière répondait à la matière. La plaque de cuivre grave déjà son empreinte sur l'outil qui devait la recouvrir.
Ainsi, l'acte d'encrer n'est pas unilatéral : il est réciproque. Le rouleau donne et reçoit, dépose et retient. Ce qui s'imprime sur le rouleau est fugitif mais réel : une image qui précède l'image, une trace avant la trace.
Ce phénomène rend visible une vérité plus profonde de la gravure : toute empreinte est réversible. chaque contact modifie les deux surfaces en présence. Le cuivre, le rouleau, la main, le papier, et le corps dans tout cela enregistre lui aussi sa propre empreinte invisible, celle de l'effort, du geste et du toucher.
Ce moment de roulage devient une métaphore de la relation artistique elle-même : tout est échange. la matière se souvient du geste, les outils se souviennent des formes, et le corps, lui garde en mémoire la sensation du contact.
Crédit photo : Eric Bénard
L'essuyage est un moment d'abandon. La main s'imprègne d'encre, la paume épouse. La paume épouse la plaque avec une lenteur presque amoureuse. Les gestes circulaires
Crédit photo : Eric Bénard
Crédit photo : Eric Bénard
Crédit photo : Eric Bénard